Lucie Caron soutiendra sa thèse le 10 décembre 2024 de 9h à 12h dans l'amphithéâtre Maillard sur le site ENSAIA.
Son travail porte sur le développement du génie pédofaunistique, par le prisme des traits fonctionnels de la faune du sol, pour réhabiliter les sols urbains dégradés.
Un lien visio sera disponible ultérieurement.
Résumé
Cette thèse explore le rôle des traits fonctionnels des organismes du sol, en particulier les macroinvertébrés, dans la refonctionnalisation des sols urbains modérément dégradés. Les sols urbains sont souvent affectés par la compaction, la perte de biodiversité et la diminution de la fertilité. Le génie pédofaunistique - qui désigne la mise en œuvre des techniques utilisant les organismes de la faune du sol pour la restauration, la réhabilitation ou la renaturation de milieux dégradés - constitue alors une réelle opportunité pour les refonctionnaliser.
Un modèle cognitif original a été construit qui relie des dégradations spécifiques des sols (compaction et faible fertilité) aux fonctions à restaurer. Ce modèle associe ensuite ces fonctions à des processus écologiques clés, tels que la création de macroporosité, la fragmentation de la matière organique ou encore la libération des nutriments. Ces processus sont à leur tour connectés à des traits fonctionnels et des attributs spécifiques de la faune du sol.
Des expérimentations en laboratoire dans des mésocosmes et en conditions réelles ont permis d'évaluer comment les assemblages d'organismes (Porcellio scaber, Oniscus asellus, Lumbricus terrestris, Eisenia fetida, Glomeris marginata et Tachypodoiulus niger), sélectionnés pour leurs traits et attributs fonctionnels spécifiques, contribuent à la restauration de deux fonctions : le maintien du cycle de l’eau et le recyclage de la matière organique en nutriments.
Les résultats montrent que ces organismes jouent un rôle important dans plusieurs processus liés à ces fonctions. Par exemple, Lumbricus terrestris a démontré une capacité significative à créer des galeries profondes, favorisant la création de macroporosité et donc l'infiltration de l'eau dans des sols peu à moyennement compactés. En parallèle, Glomeris marginata s’est révélé très efficace pour la fragmentation de la matière organique, notamment dans les sols enrichis en litière de feuilles, ainsi que Porcellio scaber, dans les sols enrichis en compost. Ces résultats soulignent l'importance de combiner différentes espèces aux attributs de traits fonctionnels complémentaires pour maximiser l'impact sur les processus écologiques.
L’étude met également en évidence que l’apport en matière organique adaptée est essentiel pour soutenir l'activité des organismes introduits et favoriser la refonctionnalisation du sol. L’inoculation d’organismes en conditions réelles (Porcellio scaber), combinée à un apport adéquat de matière organique (litière de feuilles et compost ménager), ont constitué un levier essentiel pour accélérer l’amélioration de la fertilité d’un sol de jardin potager urbain.
Pour Sérigne Ndiawar Ly la soutenance aura lieu le lundi 16 décembre 2024 à 14h00 dans l'amphithéâtre Cuenot, ENSAIA.
Elle portera sur « Perspectives biomoléculaires et écophysiologiques pour la sélection et l'amélioration de Bornmuellera emarginata dans les applications de phytomine du nickel »
Résumé
L'agromine est une méthode économique et durable pour récupérer les métaux des sols naturellement riches en métaux en cultivant des plantes hyperaccumulatrices. Cependant, ces plantes sont encore à l'état sauvage et manquent certains traits clés, tels qu'une biomasse élevée, nécessaires pour un agromine efficace. Cette étude visait à explorer Bornmuellera emarginata comme candidate pour l'agromine du Ni, en utilisant des techniques de phénotypage à grande échelle et de transcriptomique pour fournir une compréhension nouvelle et mécanistique de l'hyperaccumulation du nickel. L'objectif principal était d'acquérir des connaissances sur les mécanismes physiologiques et moléculaires responsables de l'hyperaccumulation du nickel chez B. emarginata et d'explorer comment ces connaissances pourraient être appliquées aux futurs programmes de sélection. Nos recherches ont révélé une variabilité phénotypique significative en termes de biomasse et d'accumulation de Ni au sein et entre les populations de B. emarginata à travers son aire de répartition naturelle. Notamment, un génotype de la population Pefki (PF) a produit un rendement de 145 mg de Ni par plante, ce qui est remarquable pour des plantes cultivées en pots. Dans nos essais physiologiques, nous avons mis en évidence la grande tolérance de B. emarginata à l'exposition au Ni, sans effets indésirables significatifs observés même à des concentrations élevées de Ni (100 µM, ce qui est supérieur aux niveaux typiques dans le sol), bien qu'un léger stress osmotique ait été noté. L'accumulation de Ni a été réduite en présence de Zn à des concentrations équimolaires, confirmant que l'absorption du Ni est contrôlé par un transporteur appartenant à la famille ZIP. La transcriptomique comparative avec une espèce non-accumulatrice étroitement apparentée (Alyssoides utriculata) a révélé des processus spécifiques permettant à B. emarginata d'éviter la toxicité du Ni. Nous avons trouvé une surreprésentation des processus liés à la détoxification cellulaire, au transport des ions métalliques et au transport des ions monoatomiques sous l'exposition au Ni chez B. emarginata par rapport à l'espèce non-accumulatrice. Les gènes associés à l'homéostasie du fer, généralement impliqués dans l'accumulation du Ni, étaient exprimés à des niveaux plus élevés chez B. emarginata. La comparaison par RNA-seq a identifié dix gènes candidats potentiels, AtNEET et AtHMP12 étant les plus prometteurs pour leurs rôles cruciaux dans l’hypertolerance et l'hyperaccumulation du Ni. Cette étude non seulement fait avancer notre compréhension des mécanismes derrière l'hyperaccumulation du nickel, mais fournit également une base pour les programmes de sélection visant à améliorer l'efficacité de l'agromine du Ni en utilisant B. emarginata.
Mots clés : hyperaccumulateurs de nickel, B. emarginata, Agromine, transcriptomique, physiologie, sélection végétale